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  • Tournage dans un jardin anglais
  • (Tristram Shandy: A Cock and Bull Story)
  • Royaume-Uni -
  • 2005
  • Réalisation. Michael Winterbottom
  • Scénario. Frank Cottrell Boyce alias Martin Hardy
  • d'après. le roman Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme
  • de. Laurence Sterne
  • Image. Marcel Zyskind
  • Montage. Peter Christelis
  • Producteur(s). Andrew Eaton
  • Interprétation. Steve Coogan (Tristram Shandy / Walter Shandy / lui-même), Rob Brydon (oncle Toby / lui-même), Ian Hart (Joe le scénariste), Stephen Fry (Patrick le conservateur / le pasteur Yorick), Gillian Anderson (la veuve Wadman / elle-même).
  • Date de sortie. 5 juillet 2006
  • Durée. 1h34
  • voir la bande annonce

Main verte et rire jaune, par Antoine Legond

Tournage dans un jardin anglais

Tristram Shandy: A Cock and Bull Story

S’attaquer à l’exceptionnel Tristram Shandy. roman fleuve, histoire sans queue ni tête, feuilleton aux innombrables digressions, et de surcroît véritable monument de la littérature anglaise, était un pari osé. Terry Gilliam s’était cassé les dents sur un Don Quichotte du même acabit. Un documentaire sur ce fiasco, Lost in La Mancha. avait alors abordé l’Å“uvre sous un angle original et efficace: l’éclectique et prolifique Winterbottom agit de la même manière en s’inspirant librement, et intelligemment, du roman de Sterne qu’il détourne à son avantage.

Peut-être les Anglais ne connaissent-ils pas Molière? Toujours est-il qu’en France, Laurence Sterne reste un parfait inconnu, alors qu’il est sans doute, de l’autre côté de la Manche, l’auteur britannique le plus célèbre derrière Shakespeare. Pasteur anglican épris de littérature, mais surtout de liberté et de fantaisie, il publie Vie et opinions de Tristram Shandy. sous forme de feuilleton, entre 1759 et 1767. Succès immédiat, fulgurant, pour cette biographie tordue et tordante d’un gentilhomme du XVIIIe siècle, aussi touffue, voire confuse, qu’un jardin anglais. La transposition au cinéma des neuf volumes du roman, en à peine une heure et trente-quatre minutes, paraissait à ce titre un pari impossible. Il fallait tout le talent de Michael Winterbottom pour s’en sortir avec autant de classe, d’humour, et d’inventivité…

L’histoire de Tristram Shandy constitue avant tout un exercice de style, un prétexte pour livrer la narration la plus libre et la moins conventionnelle possible d’une biographie en train de s’écrire. Le réalisateur et son scénariste Martin Hardy ont eu le bonheur de reprendre l’idée à sa base, et de tourner un film en train de se faire. Les principaux comédiens, dans une mise en abyme délicate et pourtant parfaitement maîtrisée, jouent donc plusieurs cartes à la fois: leur personnage dans le film, ainsi que leur propre rôle. Steve Coogan, en chef d’orchestre de ce grand opéra bouffe, en présente les différents acteurs en s’adressant directement au spectateur, tout comme le faisait lui-même Sterne dans son roman. Le parallèle avec l’Å“uvre est fait, le principe du film, brillamment calqué sur celui du livre.

Dès lors, inutile de tenter de recréer toutes les situations, de suivre toutes les péripéties, toutes les digressions du Tristram Shandy original. Seuls quelques-uns des épisodes les plus célèbres sont adaptés, tels que la naissance du héros ou sa circoncision accidentelle. Pour le reste, Winterbottom et Hardy ont imaginé toute une série de mésaventures qui peuvent advenir sur un tournage: financiers sceptiques face aux premiers rushes, problèmes de scénario, reconstitutions ridicules par manque de moyens… Steve Coogan (vu dans 24 Hour Party People. du même Winterbottom, et plus récemment dans la Marie-Antoinette de Sofia Coppola), qui se crée un double de fiction à la personnalité peu reluisante, est hilarant. Ses déboires avec un journaliste peu scrupuleux, ses problèmes de couple, ses batailles d’ego avec son partenaire Rob Brydon, directement tirés de sa réputation (c’est un acteur très populaire outre-Manche, qui fait les choux gras des tabloïds), font mouche à chaque fois, tout en délivrant une réflexion profonde sur la place et le sens du réel dans la fiction, ainsi que sur la notion même de notoriété.

Contrairement aux apparences, Tournage dans un jardin anglais reste donc très fidèle au roman de Laurence Sterne. La forme est certes un peu chamboulée, mais ne choquera pas les puristes qui retrouveront avec plaisir le véritable fond du roman, la fraîcheur de son humour, son caractère libertaire, sa folie pleine de sagesse et d’enseignements, mais aussi son système de pensée exceptionnellement novateur. Une réussite surprenante à plus d’un titre.

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